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Analyse

L’apocalypse, arme politique

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Les Occidentaux, tout comme Ahmadinejad, se réfèrent à la fin des temps.
par Isabelle Heullant-Donat, Professeure d’histoire du Moyen Age à l’université de Reims Champagne-Ardenne
publié le 15 octobre 2010 à 0h00

Mahmoud Ahmadinejad est-il un «fanatique de l'Apocalypse», pour reprendre le (mauvais) titre de la traduction française du célèbre ouvrage de Norman Cohn, consacré au millénarisme élaboré par le Moyen Age chrétien (1) ? Difficile de répondre par oui ou par non… Mais, puisqu'il s'agit d'«apocalypse» («dévoilement», en grec), on peut évoquer les liens souterrains qui relient un présent parfois peu lisible à l'obscurité supposée des siècles médiévaux. Les Occidentaux, souvent trop peu conscients du poids des héritages élaborés par la culture judéo-chrétienne sur l'apocalypse, invoquent volontiers ces âges sombres pour expliquer les comportements irrationnels ou provocants du président iranien. Et, ce faisant, ils prennent le risque de leur donner un poids supplémentaire.

Comme la majorité de ses concitoyens, Ahmadinejad est un chiite duodécimain. Partisans d’Ali, cousin et gendre du Prophète, puis de ses fils Hassan et surtout Hussein, assassiné à Karbala en 680 par les Omeyyades et considéré comme martyr, les chiites attribuent une importance cruciale aux imams descendant d’Hussein. Ils les ont investis aux cours des VIIIe et IXe siècles de la même élection spirituelle que Mahomet. Si le Prophète a fait descendre le verbe divin (le Coran) sur les hommes, il revient aux imams d’en interpréter le sens : l’un est apparent, les autres sont secrets, seule une élite peut les décrypter. Le chiisme comporte ainsi une forte dimension ésotérique, qui donne à ce qui est caché une