Vu du ciel, l'Irak est autre. Il est à la fois différent et multiple. On sait que Nadjaf, la ville sainte chiite, pullule de mollahs de tout poil, mais ce que l'on voit sur ces photos (1) prises en 2010, c'est combien son cimetière, le plus vaste du monde, mêle la poussière des tombes à celle du désert, et comme elle les confond. Plus au sud, les immenses marais, naguère frappés de malédiction par Saddam Hussein qui les assécha pour débusquer comme du gibier les opposants planqués, se sont réveillés de leur mauvais sommeil : l'eau est revenue et les pirogues s'élancent comme elles le faisaient il y a 2 000 ans. Dans la lumière dorée de l'aube, les antiques citadelles émergent avec la simplicité conquérante des ruines tandis que les fastueux palais du défunt raïs s'écroulent dans un grand fracas de décombres et de vanité brisée. Ailleurs, à voir les masures de bergers en torchis, on se rappelle qu'Abraham venait d'Ur et qu'en Irak, selon l'expression d'un diplomate, «on marche sur la Bible».
Le régime de Saddam et les guerres - celle contre l’Iran, l’invasion américaine, et enfin la guerre civile - nous avaient caché cet Irak-là. D’autant plus que les kidnappings, les assassinats et, par effet mécanique, la multiplication des check-points, n’incitent pas à parcourir le pays, à chercher ce qu’il y a de singulier et d’émouvant en contradiction avec l’écrasante laideur des villes. Une laideur dont on peut se demander si elle n’a pas contribué à amplifier la cruauté du ré