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Libération
grand angle

Prisonnier du Président

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Polycarpe Abah Abah, l’ex-ministre camerounais des Finances, est écroué depuis 2008 pour corruption. Il est le symbole d’une opération mains propres exigée par le FMI, et menée avec un zèle très politique.
publié le 2 novembre 2010 à 0h00

L’ex-ministre camerounais de l’Economie et des Finances ne se déplace jamais sans une escorte musclée. Que ce soit pour aller au tribunal, où il s’est rendu plusieurs fois entre mars et juillet, ou à l’hôpital central de Yaoundé où il a séjourné une semaine en septembre, Polycarpe Abah Abah est toujours accompagné d’une nuée de militaires en armes. Non pas pour sa sécurité mais pour le surveiller : arrêté il y a deux ans, l’ancien maître des finances du Cameroun est, à 56 ans, le détenu le plus célèbre du pays. Mieux : il est le symbole du destin d’«Epervier», une étonnante opération mains propres. Exigée par les bailleurs de fonds du pays, elle est devenue l’outil d’une purge politique au service du président Paul Biya, au pouvoir depuis vingt-huit ans.

Lancée en 2006 pour assainir un des Etats les plus corrompus du monde, Epervier a frappé fort, conduisant en prison pas moins de neuf ex-ministres (dont un est décédé depuis), sept anciens directeurs d’entreprises publiques et des dizaines de leurs collaborateurs, tous pour des détournements de fonds publics. Leurs interpellations ont été abondamment médiatisées : en mai 2008, c’est devant les caméras de télévision que le directeur du chantier naval et industriel du Cameroun a été arrêté. Les sanctions sont lourdes : l’ex-ministre de l’Energie Alphonse Siyam Siwé, reconnu coupable d’avoir détourné 53 millions d’euros avec 12 complices, a été condamné à la perpétuité en appel, à l’issue d’un long procès.

Quant à Polycarpe Abah