Il ne sortira pas gagnant des premières élections organisées en Birmanie depuis vingt ans. Il n'était pas candidat. Il est au-dessus de ça. Le généralissime Than Shwe a réussi son pari d'instaurer une «démocratie florissante et disciplinée», selon la novlangue dont la junte use et abuse pour qualifier ses faits et gestes. Than Shwe, c'est le magicien, l'artisan du grand recyclage : à la faveur de l'élection organisée hier, des dizaines de militaires vont troquer leurs casquettes galonnées contre des longyi, le sarong des civils. Qu'importe que ce scrutin soit une mascarade : l'armée se réserve un quart des sièges, les deux tiers des candidats appartiennent à des partis-officines de la junte et des centaines de milliers de Birmans sont empêchés de voter. L'essentiel est d'effacer la claque du 27 mai 1990, quand la Ligue nationale pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi raflait plus de 80% des places dans une Assemblée qui n'a jamais siégé.
Depuis dix-huit ans qu'il est au pouvoir, le tyran s'est ingénié à faire taire l'opposante birmane, prix Nobel de la paix en 1991. Celle qui est «dépeinte comme l'incarnation du mal par les franges les plus radicales de l'armée», écrit le chercheur Renaud Egreteau (1). Président du Conseil d'Etat pour la paix et le développement, Than Shwe n'a jamais supporté la ferveur populaire pour la fille d'Aung San, le père de l'indépendance. Illustration de cet agacement suprême, le service du protocole recommande aux visiteur