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grand angle

Au Portugal, la drogue est une affaire de santé

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Le pays affiche aujourd’hui l’une des plus faibles consommations de drogues de l’Union européenne après la vote, il y a dix ans, d’une loi décriminalisant l’usage de stupéfiants.
publié le 19 novembre 2010 à 0h00

Il est entré avec la mine déconfite et le regard fuyant de celui qui a été pris en faute. Joao - appelons-le Joao - est jardinier municipal. La veille, des policiers l'ont surpris dans les toilettes du square qu'il bichonne, en flagrant délit de chinesa - l'équivalent portugais de la «chasse au dragon» qui consiste à inhaler des vapeurs d'héroïne. Comme dans n'importe quel pays, Joao a dû passer au commissariat pour y faire une déposition. Mais ensuite, au lieu d'avoir à faire au ministère de la Justice, on lui a donné «rendez-vous» avec le ministère de la Santé : les flics l'ont dirigé vers une commission dite «de dissuasion» où l'accueilleront une équipe de psychologues, un juriste, un sociologue et des assistants sociaux. Joao disposait de soixante-douze heures pour s'y rendre. Il n'a laissé passer qu'une journée. Ce matin, le voici donc qui déboule, de lui-même, dans les locaux de la commission, au centre de Lisbonne. Il passe trois entretiens successifs. On conclut bientôt qu'il est toxicomane.

Le trafiquant reste un criminel

«Dans un autre pays, on le considérerait comme un délinquant, passible d'une peine de prison. Au Portugal, c'est un patient. Les policiers et les juges n'ont pas leur mot à dire. C'est nous qui sommes en charge de son cas. Nous, les professionnels de la santé.» Vasco Gomes, psychologue, la trentaine avenante, n'est pas peu fier de diriger la commission de dissuasion de la rue José-Estevao, à Lisbonne. C'est la plus importante des 20 commissions que compte le Port