Spécialiste de l’islam contemporain, Jean-Pierre Filiu est professeur associé à Sciences-Po, rattaché à la chaire Moyen-Orient-Méditerranée. Il est l’auteur des Neuf Vies d’Al-Qaeda (Fayard, 2009) et de l’Apocalypse dans l’islam (Fayard, 2008). Il analyse le message d’Al-Qaeda au Maghreb islamique.
Comment interpréter cette déclaration si différente de la précédente ?
Ce message d’Abdelmalek Droukdel, émir (commandant) de l’Aqmi, représente un véritable coup de théâtre. Pour la première fois en effet de son histoire, l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), fondé en 1998 et devenu en 2007 Aqmi, s’en remet à d’autres pour trancher le sort des otages qu’il détient. En écho au message de Ben Laden qui, le 27 octobre, avait sommé la France de retirer ses troupes d’Afghanistan et d’abroger la loi sur la burqa, Droukdel reprend à son compte l’exigence de retrait français d’Afghanistan selon un calendrier précis, s’en remettant à Ben Laden pour juger de la validité d’un tel engagement. A noter que l’émir demeure silencieux sur la question de la loi sur la burqa. Ce message coïncide avec le sommet de l’Otan [à Lisbonne, ndlr], en partie consacré à la question afghane, et vise à profiter de l’effet d’aubaine médiatique d’une telle conférence.
Cet appel à Ben Laden témoigne d’une évolution profonde de l’Aqmi…
Il révèle une intégration encore plus poussée d’Aqmi dans le jihad global, ainsi que son acceptation sans réserve des orientations de la direction d’Al-Qaeda, réfugiée dans les zones tribales de l’ouest du Pakistan. Cette «globalisation» spectaculaire des jihadistes algérien