En 1967 : la guerre du Vietnam dure depuis douze ans et l'Amérique, faute de volontaires, mobilise ses boys. Quand arrive sa lettre d'incorporation, Gary Hines demande à être réformé. A 20 ans, seul valide de la famille, il doit s'occuper de ses parents atteints d'emphysème, et de sa sœur de 8 ans, Jessica. La requête est refusée. Le 4 novembre, le soldat Hines quitte sa ville de Saint-Louis sans billet de retour. Jessica est envoyée chez une tante, le souvenir de Gary se brouille dans sa mémoire. Il est devenu un héros lointain, dont chacun guette avec anxiété les lettres, peut-être déjà celles d'un mort.
Plongée de larmes
Gary rentre au bout de deux ans, atteint de «troubles nerveux post-traumatiques», «handicapé à 50%». Il n'est plus celui qui avait appris à marcher à Jessica. Les cheveux jusqu'au milieu du dos, mutique, souvent en larmes, il part s'installer dans le Colorado avec d'autres vétérans. Adolescente, Jessica vient l'y rejoindre le temps d'un inoubliable été. Gary, alors facteur à la US Postal, sourit sous le soleil de l'Ouest, cachant son mal-être et sa solitude. En 1980, Jessica apprend qu'il s'est suicidé d'une balle dans le cœur. «La famille était alors tellement éclatée, dit-elle, que je ne savais même pas où il était enterré, pas plus que mon père et ma mère.» A 21 ans, l'unique survivante des Hines ne peut, ou ne veut rien savoir.
Bien des années plus tard, devenue artiste et professeur de photographie à l’université d’Etat de Georgie, elle hérite