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Libé des philosophes

L’erreur d’orientation des campus américains

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Motivés par la hausse des frais d’inscription, les timides mouvements étudiants s’inquiètent aussi du désintérêt contestable de l’Etat pour les sciences humaines.
par Michael Hardt, Professeur de philosophie politique à l’European Graduate School de Saas-Fee (Suisse).
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

Tous les gouvernements sont en train de réduire le financement de l’éducation publique et d’augmenter les frais de scolarité universitaires. Ces mesures sont souvent présentées comme des réponses à la crise économique alors qu’elles ont en réalité été mises en place bien avant elle. Tandis qu’en Grande-Bretagne, en Italie et dans les autres pays européens, les étudiants bataillent contre la police dans la rue et expérimentent de nouveaux modes de résistance, les campus américains demeurent relativement calmes. Les mouvements étudiants aux Etats-Unis furent pourtant, il y a quarante ou cinquante ans, parmi les plus actifs et innovants de la planète ; ils ne militaient pas seulement contre les guerres, le racisme et l’ordre social hiérarchique, mais pour une véritable réforme démocratique du système éducatif.

Pourquoi les mouvements américains apparaissent-ils aujourd'hui si en deçà des enjeux de la crise éducative mondiale contemporaine ? Des mouvements ont pourtant récemment émergé, mais ils n'ont que peu suscité l'attention, à l'image de celui contre la hausse des frais d'inscription dans le système universitaire public en Californie. Bien que ces frais aient doublé en dix ans, c'est l'augmentation soudaine de 32%, en novembre 2009, qui a déclenché la colère. Les succès modestes qui avaient permis de faire bénéficier une population de plus en plus large d'une formation universitaire sont en train d'être balayés. Ces trente dernières années «les universités publiques, où