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TRIBUNE

Le désir réactionnaire

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par Maurizio Ferraris, Professeur de philosophie théorétique à l’université de Turin
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

On pourrait tout relater sous forme de lettre persane. Il y a un sultan (Berlusconi) qui organise des festins dans ses résidences, avec chants, danses et pratiques sexuelles empruntées, selon certains, aux rituels d'un prince nord-africain (Kadhafi) ou, selon d'autres, tirées d'une histoire drôle qu'on raconte dans les caravansérails. A ces rites, en même temps que le sultan, participent le vizir et des demoiselles issues des couches sociales les plus diverses. Les rites sont en effet rigoureusement interclassistes. Il semble même qu'ils préludent à des formes de promotion sociales via la politique. C'est ainsi que la fable éternelle se renouvelle en s'enrichissant de détails du genre Mille et une nuits, comme dans le cas de la voleuse (Ruby, pour la chronique) venue du Maroc, présentée par le sultan comme une nièce du Khédive d'Egypte (le président Moubarak). Mais si, de la fiction de Montesquieu ou de la fable de Shéhérazade, on voulait entrer dans l'actualité politique et exprimer quelques jugements, alors il y aurait le risque, très concret, d'être taxé de moralisme. Aussi faut-il prendre ses précautions.

D’abord, l’immoralité du souverain est aussi vieille que le pouvoir. Dans les rituels rapportés, il y a beaucoup d’imaginaire télévisuel : on dirait même qu’ils réalisent le rêve d’un spectateur qui, au lieu de s’endormir devant la télé une canette de bière à la main, traverse l’écran, comme Alice le miroir, et entre dans le pays des merveilles. Ensuite, il n’es