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Libération
Libé des philosophes

Ogre Internet et journalistes, un nouveau rapport de forces

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La presse court après le Web, mais celui-ci semble désormais légitimer l’expertise.
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

Les dites «révélations» de WikiLeaks peuvent apparaître comme le triomphe d’un «nouveau média», Internet, sur les anciens. La presse mondiale ne se met-elle pas à la roue d’un média typique de l’ère des hackers ?

Cette apparence masque peut-être une situation plus complexe. Au plan médiatique, la grande nouveauté de cet événement tient à ce que les «fuites» n'ont pas d'abord été publiées «en bloc» par WikiLeaks pour être ensuite triées, commentées, expertisées par la presse écrite, comme cela avait le cas pour les précédentes fuites concernant l'Irak et l'Afghanistan. Le site a collaboré en amont avec cinq grands journaux internationaux pour diffuser conjointement avec eux une sélection des 250 000 documents officiels confidentiels. Autrement dit, l'expertise de la presse écrite a ici été sollicitée par l'ogre Internet, qui semble soudain s'aviser qu'il n'est peut-être pas de bonne méthode de dévorer ses propres parents. On semble admettre que l'information doit être analysée pour ne pas être écrasée par sa propre masse, et que tout n'est pas forcément bon à publier.

Y a-t-il là l’amorce d’une redistribution des puissances médiatiques, qui relégitime la force de commentaire et d’expertise de la presse écrite «de qualité» face à la déferlante d’informations brutes du Net ? Ou bien, malgré la caution attendue de la presse écrite, est-ce plutôt la logique massive et non hiérarchisée du Web et du fondateur de WikiLeaks qui gagne du terrain, choisit «ses» journaux