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grand angle

La dernière porte de l’Europe

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Entre la Grèce et la Turquie, une douzaine de kilomètres de frontière est devenue la principale entrée de l’immigration illégale en Europe. Depuis le 2 novembre, une force européenne tente de verrouiller ce passage emprunté cette année par 34 000 clandestins.
publié le 3 décembre 2010 à 0h00

En ce dimanche de novembre, jour de fête des forces armées grecques, alors que la musique militaire retentit devant le monument aux morts d’Orestiada, la principale ville de garnison de la Thrace, avec ses magasins d’armes et d’uniformes, ses bars à soldats et ses lupanars, un groupe d’une vingtaine d’hommes attend patiemment sous le préau du commissariat, à quelquesdizaines de mètres de là. Certains fument, d’autres ont un portable collé à l’oreille et tous discutent dans une ambiance bon enfant sous l’œil indifférent de deux policiers. Ils ont des barbes de plusieurs jours, les visages creusés par le manque de sommeil. Tous ont le bas de leur pantalon mouillé et les chaussures gorgées d’eau : ils viennent de franchir l’Evros, la rivière toute proche.

«Nous étions tous rassemblés dans une maison à Istanbul et nous avons payé 2 000 dollars [1 500 euros] chacun pour le passage», explique un des hommes en anglais. «On nous a transportés en car jusqu'à une ville près de la frontière et après, c'est une voiture particulière, qui a fait trois ou quatre voyages et nous a tous amenés au bord de l'eau. Là, quelqu'un nous a fait traverser le fleuve en bateau et nous a laissés sur l'autre rive en nous disant que c'était la Grèce, avant de repartir. Nous avons ensuite marché pendant dix heures pour venir ici.»

Ils sont venus de leur propre gré dans ce poste de police. C’est une étape obligatoire avant la poursuite d’un voyage dont les destinations finales sont bien plus