Jacques Julliard se trompe, et lourdement. Contrairement à ce qu'il écrit dans Marianne, la crise du projet européen n'est pas «d'abord géographique, c'est-à-dire identitaire». Elle découle si peu des fragiles perspectives d'adhésion turque qu'elle leur est bien antérieure et remonte, comme il le dit lui-même, à la chute du mur de Berlin et même à 1957, à ce premier traité depuis lequel «l'Europe ne progresse vraiment qu'à travers les crises».
La question turque n’est que le point culminant d’un rejet du projet européen par les Européens eux-mêmes. Elle est passionnelle car elle ajoute la peur de l’Islam à la peur d’une dissolution des cadres nationaux dans un ensemble dont les finalités et le fonctionnement sont devenus incompréhensibles mais, si l’explication n’est pas la Turquie, à quoi tient-elle ?
L’Union souffre avant tout de ne pas avoir été construite sur la politique mais l’économie. Le tort en revient aux gaullistes et aux communistes français qui avaient fait échouer, en 1954, la création de la Communauté européenne de défense (CED) entre la France, l’Allemagne, le Benelux et l’Italie. Avec les institutions politiques communes que ce projet comportait, la CED aurait uni un nombre assez restreint de pays suffisamment proches pour que cette démocratie supranationale puisse fonctionner et s’enraciner avant de s’élargir à d’autres Etats.
Le projet d’unification européenne en aurait été autrement plus clair et enthousiasmant que la création, tro