lest 18 h 40. Le portable de Cheker Besbes vibre. Un message s'affiche : «Félicitations, Ben Ali parti.» Il s'est refugié depuis trois heures dans un hôtel du centre, plein de journalistes, pour échapper aux matraques et aux gaz lacrymogènes. Son visage s'éclaire d'un coup. «C'est notre victoire ! J'ai participé aux manifestations qui ont renversé ce dictateur. La jeunesse, c'est la solution, voilà ce que ça veut dire», s'écrie ce jeune animateur de radio et étudiant en droit. D'autres portables se mettent à sonner. Les portes des chambres d'hôtel s'ouvrent. Les gens se prennent dans les bras. La «révolution des jasmins» a gagné. Dehors, c'est le silence. La rue est vide depuis le l'instauration du couvre feu, partir de 17 heures.
Nuage. Leila a encore du mal à y croire. Avec une centaine d'autres manifestants, elle s'est réfugiée là, dans l'urgence. Quelques minutes auparavant, dans le milieu de l'après- midi, l'assaut a été donné contre la foule qui entourait le ministère de l'Intérieur, un bâtiment-bunker de béton gris, le symbole de la repression, qui a fait au moins 80 morts depuis un mois. D'abord il y a eu les gaz lacrymogènes, des nuages jaunes brûlant les yeux et la gorge, qui se sont élevés au-dessus de l'avenue Bourguiba. Depuis 10 heures, des milliers de Tunisiens manifestaient paisiblement contre le régime. «Un convoi funéraire avec un jeune tué la veille par la police est passé et, après, on n'a rien compris : les gaz lacry