Longtemps, toute atteinte à l'image de Mustapha Kemal, le fondateur de la République laïque et jacobine sur les décombres de l'Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, fut implacablement sanctionnée. La démocratisation a allégé le carcan mais ce sont maintenant les figures des grands sultans qui deviennent tabous avec l'enracinement au pouvoir de l'AKP, le parti issu du mouvement islamiste de Recep Tayyip Erdogan. Le Siècle magnifique, feuilleton diffusé sur la chaîne populaire Show TV montrant la vie privée du sultan Soliman le Magnifique (1520-1566) a été sanctionné par le Haut Comité de la radio et télévision (RTUK). L'autorité suprême de l'audiovisuel a estimé «qu'il s'oppose aux valeurs nationales et morales de la société et à l'esprit de la famille turque». En une semaine, 75 000 personnes ont porté plainte et exigé son interdiction.
«Comment peuvent-ils oser représenter un des plus grands sultans comme un obsédé sexuel et un ivrogne», s'indignent les ONG proches du gouvernement islamiste, alors que le vice-Premier ministre, Bülent Arinç, clame : «Ceux qui tentent d'humilier les figures de notre histoire en les représentant de façon infidèle doivent être punis.» Samil Tayyar, chroniqueur de l'AKP, accuse même «les Occidentaux d'encourager le porno ottoman pour affaiblir le néo-ottomanisme», c'est-à-dire le grand retour de la Turquie sur la scène moyen-orientale. Un groupe islamiste d'extrême droite, les Foyers Alpere