La grande porte d'enceinte de la villa est ouverte et celle de la maison défoncée. Dans la piscine flotte un matelas, un tuyau d'arrosage et quelques débris non identifiables. Une tête de mouton et une langouste reposent au fond. «Vous voyez, nous, on a du mal à s'offrir des sardines à 3 dinars le kilo ; eux, ils mangent de la langouste !» s'exclame Foufou, chauffeur de taxi. Autour de lui, une dizaine de personnes sont venues admirer le spectacle dans la villa de Moez Trabelsi, l'un des neveux de l'ex-président Zine el-Abidine ben Ali. Cette résidence de 400 m2 n'est ni la plus belle, ni la plus grande, de la banlieue chic de Gamart, au nord-est de la capitale tunisienne, mais elle appartient au clan des Trabelsi. Depuis vingt-trois ans, cette famille cristallise toutes les haines des Tunisiens, car elle est le symbole même des injustices de tout un système. Trafic d'influence, bakchich systématique pour obtenir des contrats, détournement de biens publics. Les Trabelsi, une famille de va-nu-pieds il y a un quart de siècle, a pu mettre le pays en coupe réglée et prendre le contrôle de ses ressources les plus juteuses grâce à la «coiffeuse», Leïla, la seconde femme du raïs qu'il a épousée en 1992 après quatre années de liaison et le divorce d'avec sa première femme.
Moncef Trabelsi, le frère de Leïla, était un ancien travailleur en Libye, qui a prospéré dans le bâtiment. Ses fils, Imed, tué hier à coup de poignard, et Moez étaient impliqués dans plusieurs a