Menu
Libération
EDITORIAL

L’appel de la liberté

Article réservé aux abonnés
publié le 17 janvier 2011 à 0h00

Ils ont bonne mine, les gourous du différentialisme, les grands prêtres du choc des civilisations, les savants prophètes de l'identité soi-disant irréductible. Pour eux, aucun doute : dans le monde arabe, la démocratie n'avait aucune chance, les musulmans ne voulaient pas de la liberté, l'islam était imperméable aux valeurs universelles, qui ne sont qu'un luxe réservé aux Occidentaux. Souvenons-nous de Jacques Chirac réécrivant la déclaration de 1789 : «Le premier des droits de l'homme, c'est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance.» Sous-entendu : ceux qui réclament des libertés publiques en terre d'islam sont des importuns, des rêveurs ou, pire, des colonialistes déguisés. Et voilà qu'à l'ébahissement des chancelleries occidentales, prenant à contre-pied tous les résignés de la realpolitik, un pays musulman descend dans la rue et chasse un dictateur corrompu et brutal qu'on disait indéracinable. Mieux, dans tout le monde arabe, les cousins de Ben Ali, les Bouteflika, les Moubarak ou les Khadafi, cette Sainte Alliance du nationalisme décati et de la torture dans les caves, commencent à trembler devant leurs peuples et à vérifier dans la fièvre que leurs policiers les soutiennent toujours.

Bien sûr, faute d’avoir prévu le passé, les réalistes se rattrapent en jouant les Cassandre. L’illusion lyrique ne durera pas, pensent-ils, l’anarchie risque de déboucher sur une