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Libération
Interview

«La critique abstraite du pouvoir n’intéresse personne»

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Denis Volkov, sociologue, explique pourquoi l’opposition russe ne réussit pas à convaincre la population :
publié le 18 janvier 2011 à 0h00

Denis Volkov est sociologue au centre Levada, l’institut de sondage russe indépendant fondé par le sociologue Iouri Levada. Il analyse les raisons d’une faiblesse structurelle de l’opposition face au pouvoir Poutine-Medvedev.

Quelle est l’attitude des Russes envers l’opposition aujourd’hui ?

Les sondages montrent que les Russes considèrent que l’opposition existe et qu’elle est nécessaire, mais en réalité cette opposition demeure impossible dans l’état actuel des choses. Elle n’est pas influente, elle n’a aucun champ d’action réel, et il est dangereux d’en faire partie. Elle est là pour critiquer le pouvoir, mais le pouvoir ne l’écoute pas. La plupart des leaders sont bien connus des Russes (Boris Nemtsov, Mikhaïl Kassianov), mais ils n’ont pas de poids sur la scène politique.

Pourquoi les mouvements d’opposition échouent-ils à rallier les masses ?

Le système politique actuel n’est pas fondé sur la concurrence entre les hommes et les idées, mais sur le maintien par la force d’un statu quo. Les nouveaux visages ou nouveaux mouvements ne peuvent pas surgir et s’imposer dans l’opinion, car le Kremlin contrôle le média principal, la télé, source d’information de 80% de la population. L’absence de concurrence est un mécanisme politique en soi. Tout le monde a entendu parler des «marches des mécontents» ou des meetings de l’opposition, mais cette notoriété ne garantit pas le soutien des masses. La critique abstraite du pouvoir n’intéresse personne, chacun sait sans qu’on le lui rappelle que le pouvoir est corrompu. Les gens sont prêts à se mobiliser pour des problèmes qui les concernent, dénoncer des dysfonctionnements