Ecrivain et essayiste (1), Abdelwahab Meddeb évoque les enjeux et les défis du processus démocratique qu’entame la Tunisie après vingt-trois ans de dictature du clan Ben Ali.
Quels sont les premiers défis à relever?
Même s'il passe pour intègre, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi [qui n'a pas quitté son poste, ndlr] reste un homme de l'ancien régime, une ombre de ce théâtre d'ombres, car seul décidait vraiment Ben Ali. Or la politique est aussi de l'ordre du symbolique et, sur ce plan, c'est catastrophique. Il faut au plus vite tourner la page sur tout ce qui peut rappeler le pouvoir de celui que nous surnommions ironiquement Chéri-Bibi. Il faut d'urgence un geste fort comme, par exemple, la dissolution du RCD, parti- Etat devenu parti-mafia, qui pourrait être un signal en ce sens.
Le défi est de savoir comment mener ce processus nécessairement assez long et définir un certain nombre de priorités. Dans l’immédiat, il me semble nécessaire de se conformer à l’actuelle légalité constitutionnelle. La Constitution a été malmenée, défigurée, d’abord par Habib Bourguiba lui-même, quand il a créé la présidence à vie, puis par Ben Ali. Mais malgré ces déformations, le noyau de ce texte datant de 1957 est à préserver, car il affirme des points toujours essentiels, comme la laïcité ou l’égalité de tous les citoyens quels que soient leur sexe, leur religion, leur ethnie. Dans cette constitution, il n’y a pas de trace de la charia, aucune référence à la loi islamique comme inspiratrice du droit, contrairement aux con