Le clou est toujours planté dans le mur au-dessus du bureau. Le portrait de «Zaba» (Zine el-Abidine ben Ali), lui, n'y est plus. Et le rédacteur en chef du journal non plus. Destitué. «Le bureau du chef est vide», lance une journaliste en rigolant après avoir passé la tête par la porte. Il vient de temps en temps, nous explique-t-on, mais il n'a plus de pouvoir. La Presse de Tunisie était devenu le porte-voix du régime au fil des ans. Jusqu'à samedi. Au lendemain de la fuite de Ben Ali, le quotidien a connu sa propre révolution. Les journalistes ont gentiment prié leur rédacteur en chef, nommé par l'ex-parti au pouvoir, le RCD, de dégager.«La révolution concerne tout le monde, c'était impensable pour nous que le journal ait le même contenu qu'avant», insiste Souad ben Slimane, journaliste à la rubrique culture. Depuis mardi, c'est donc un comité de rédaction composé de onze journalistes qui décide du contenu du journal. Le contraste est flagrant : le 19 janvier, une caricature sur le gouvernement de transition a remplacé la photo de Zine el-Abidine Ben Ali en une. Pendant vingt-trois ans, tous les jours, Zaba était en une du journal, toujours souriant.
Lotfi ben Sassi, caricaturiste depuis onze ans pour la Presse, raconte comment, chaque jour, il devait trouver une nouvelle ruse pour échapper à la censure : des dessins très critiques, au départ, histoire que la deuxième ou la troisième version exigée ne soit pas totalement vidée de sens.