«Représenter ce couloir de circulation de façon verticale n’est pas très habituel, cela nous met la tête un peu à l’envers. Car pour la plupart d’entre nous depuis que nous sommes allés à l’école, sur une carte, le Nord est en haut. Pure convention bien sûr, mais extrêmement structurante : le haut, le plafond des habitants de notre hémisphère est au pôle Nord. La carte est une construction qui suscite une représentation mentale. Ici, la Manche n’est plus ce bras de mer segmenté qui sépare le continent de l’Angleterre, mais le début du passage maritime qui se prolonge par la mer du Nord et la Baltique pour finir au bout du golfe de Finlande… à Saint-Pétersbourg. Mers étroites et détroits se succèdent.
«Les navires "s'emmanchent", selon la jolie expression du XVIIe, puis par le Channel, arrivant de mers lointaines, viennent décharger et charger dans les ports qui parsèment les rives, souvent aux embouchures de fleuves. Ces mots, chacun dans leur langue, disent cette réalité que la carte suggère : cette mer étroite conduit, du vaste océan, loin vers l'Est ; la succession de petites mers et de détroits dessert toute la façade nord de l'Europe. Le haut de la carte, c'est la direction d'une grande partie du trafic, mais c'est aussi pour faire rêver et réfléchir, la carte sert à cela.
«L'histoire de la circulation des hommes sur ces mers est très ancienne, depuis au moins le néolithique. Pour les dix derniers siècles, la mer de la Manche est intrinsèquement liée à