«Le peuple avance comme l'éclair, s'enflammait Oum Kalsoum d'une voix née pour chanter le drame, le peuple est montagnes, le peuple est mers, un volcan qui gronde, une tempête qui creuse la terre des tombes»… C'était il y a plus d'un demi-siècle, quand l'Egypte de Gamal Abdel Nasser redressait la tête après tant d'années d'humiliation coloniale, et voyait son salut dans le nationalisme et le panarabisme. Le peuple égyptien semble vouloir reprendre le volant de l'histoire, réveillé par la bravoure et surtout l'impensable succès des frères tunisiens. Une irrésistible onde de choc se propage. Comment ne pas penser au printemps des peuples de l'Europe de l'Est, quand, de Varsovie à Bucarest en passant par Berlin, de vieilles dictatures s'effondraient d'un même souffle venu de la rue ? En dix mois, dix jours, dix heures même parfois, des régimes honnis et usés jusqu'à la corde disparaissaient les uns après les autres.
Bien sûr, comparaison n’est pas raison. C’est d’abord l’implosion d’une puissance tutélaire, l’URSS de Gorbatchev, qui rendit possible la liberté des peuples enserrés derrière le rideau de fer en 1989. Rien de tel au sud de la Méditerranée. Pourtant, une même soif éperdue de liberté émane de la rue égyptienne. Moubarak verrouille d’une main de fer, maintient le pays dans l’état d’urgence depuis trente ans, emprisonne en masse, truque les élections, mais pour combien de temps ? La Tunisie libre est dans toutes les têtes. C’est dire la responsabil