«Dites à vos dirigeants d'arrêter d'aider Hosni Moubarak ! Le peuple est fort, le peuple n'a pas peur, aujourd'hui ou demain, l'Egypte vaincra.» Il a les yeux qui pleurent, la gorge brûlée. Il n'a pas l'habitude, c'est la première fois qu'il manifeste, s'excuse-t-il, penaud de ne pas avoir pensé à prendre un foulard pour se protéger des lacrymogènes. Il s'appelle Atef. Il a 27 ans, un diplôme d'ingénieur en poche, un bout de papier inutile, dit-il, puisque pour gagner sa vie, il répond au téléphone en anglais pour le service après-vente d'une multinationale informatique, depuis un des nombreux call-centers installés aux portes du désert, à la sortie du Caire. 400 euros par mois : «good money», ajoute-t-il, dans ce pays où le revenu moyen par famille tourne entre 120 et 180 euros, mais «job pourri», qui ne laisse à ce jeune homme aucun sentiment de fierté : «De toute façon, nous n'avons pas d'avenir politique, social, économique.»
Alors, quand Atef a entendu que la foule commençait à se rassembler, mardi, sur la place Tahrir, au cœur du Caire, il n’a pas réfléchi. Après avoir regardé, incrédule, la Tunisie s’enflammer pendant deux semaines sur Al-Jezira, il est descendu en ville. Et il ressortira aujourd’hui, après la grande prière, pour répondre au nouvel appel lancé, via Internet, par le «collectif du 6 Avril», à l’origine de la première manifestation. Atef est le premier étonné de son audace : en Egypte, où plus de trente ans de loi d’urg