Le Caire. Dimanche. 8 heures. Il est hagard, appuyé contre le mur de son immeuble. A côté de lui, il a posé une barre de fer, arme dérisoire. La nuit, il l’a passée dans la rue, au pied de son immeuble de Garden City, tout près de cette place Tahrir devenue depuis mardi le symbole du soulèvement égyptien, sous le ronron lancinant de l’interminable ballet des hélicoptères. Il s’appelle Mahmoud, il est comptable, à la retraite. Samedi soir, les voisins sont venus frapper à sa porte, expliquant que des bandes de pillards erraient dans Le Caire, qu’il fallait s’organiser, s’armer. Au pied de l’immeuble, il a retrouvé l’islamiste du premier étage, armé d’une chaîne en acier. Le bawab, le concierge, avec sa galabeya tachée et une machette. L’ingénieur du bout de la rue, venu avec son attirail de chasse, le médecin, équipé de longs couteaux. Et, comme partout à travers le pays, les hommes ont attendu toute la nuit dans la rue que les pillards s’approchent.
Prisonniers évadés. Dans l'après-midi, on a vu monter avenue Kasr el-Eini une petite centaine d'hommes, au regard vitreux, cicatrices au visage, pour certains équipés de tuyaux de fer. Depuis deux jours, les Cairotes ne parlent que de ces détenus qui se seraient échappés des prisons. Et des forces sécuritaires ont confirmé l'information, disant qu'un millier se seraient évadés de la prison de Wadi Natroun, plantée dans le désert, entre Le Caire et Alexandrie. Des islamistes, a-t-on précisé. Mahmoud lève les yeux,