Il a les lèvres qui tremblent, l'avant-bras en mouvement et parle en criant : «Ces salopards ne veulent pas partir, ils n'osent même plus se montrer mais cette fois, on va gagner.» Sur la bien nommée place Tahrir («libération») du Caire, noire de monde hier après-midi, le sentiment d'Omar est largement partagé. A la veille de la grande manifestation où les opposants espèrent rassembler un million de personnes, et au premier jour de la grève générale, l'ambiance est à la victoire. Ou du moins à la confiance.
Les hélicoptères, insistants et volant à basse altitude, ont remplacé les avions de chasse de la veille mais ils n'impressionnent plus. Quant à la police, qui souhaitait reprendre le contrôle du centre-ville, elle a dû renoncer. Les habitants font la circulation, d'autres s'occupent de canaliser les manifestants. L'armée est toujours là, mais reste cantonnée aux abords de la place. Finie cependant la proximité avec la population, qui pouvait jusqu'à samedi monter sur les chars et embrasser les militaires. «Et alors, que peuvent-ils faire, tirer sur des milliers de personnes ? C'est trop tard, nous sommes trop nombreux maintenant», dit, sûr de lui, Ahmed, un jeune avocat qui offre des bouteilles d'eau aux manifestants. Même les baltageyas (hommes de main du régime chargés des basses œuvres) n'effraient plus : «On ne peut plus vivre dans la peur, il faut qu'on relève la tête, même si on doit prendre des coups», poursuit le frêle juriste qu