Elle s’appelle Esraa Abdel Fattah et c’est elle, qui, sans le savoir, est à l’origine du puissant mouvement de contestation qui secoue l’Egypte. Le destin de cette trentenaire, pas spécialement politisée, bascule en 2008, un soir de printemps. Le pays a été sonné, un an plus tôt, par la colère des ouvriers des usines textiles de Mahalla, fleuron de l’industrie nationale, qui ont dénoncé par une grève massive leurs salaires aux rabais et leur précarité. L’Egypte s’interroge sur les paradoxes de son taux de croissance endiablé, alors que la population, à bout de souffle, s’épuise. La cherté de la vie touche toutes les classes sociales.
Derrière son ordinateur, la jeune fille sans histoires tape quelques lignes à la volée, qu'elle poste sur Facebook : «Pas de travail, pas d'université, pas d'école, pas de commerce. On a juste besoin de justice. On a besoin de salaires suffisants, on a besoin de travail.» L'appel, en une poignée de jours, reçoit l'adhésion de dizaines de milliers d'internautes. L'hypothèse d'une grève générale fait trembler le pays.
Prison. Le 6 avril 2008 au matin, Le Caire s'éveille. Des forces antiémeute ont été déployées sur les lieux stratégiques. La grève, tuée dans l'œuf, n'aura pas lieu et Esraa passera seize jours en prison. A l'époque, le politologue Nabil Abdel Fattah, interviewé par l'hebdomadaire Al-Ahram Weekly, analyse, prophétique : «Des centaines de jeunes Egyptiens remplaceront Esraa et utiliseront le cybere