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Libération
Tunisie, la révolution en trois actes

Sidi Bouzid, l’étincelle

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ACTE I. Le 17 décembre, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur de légumes de cette petite ville du centre du pays, s’immole face au palais du gouverneur. Un geste désespéré qui va emporter le régime de Ben Ali.
Des manifestatants blessés lors d'affrontements avec la police le 9 janvier 2011, près de Sidi Bouzid. (© AFP Str)
publié le 5 février 2011 à 0h00

C’est donc là que tout a commencé. Devant les grilles d’un élégant bâtiment orientalisant blanc et bleu aux décorations de stuc qui lui donnent l’allure d’une pâtisserie. Le gouverneur venait d’ailleurs de faire repeindre son palais, repaver le trottoir et installer des réverbères dorés. Il était autour de midi quand Mohamed Bouazizi a garé son chariot à bras devant le gouvernorat sous les yeux des «taxistes» garés sous les arbres. Sans dire un mot, il s’est aspergé du bidon d’essence de térébenthine qu’il venait d’acheter au kiosque du coin, puis a craqué une allumette. Les badauds, interdits, ont mis un peu de temps à intervenir. Une femme a prêté son caftan pour l’envelopper, mais déjà les jambes, les mains et le visage du jeune homme étaient calcinés.

Giflé par une femme

Kamel Kouka était là : «Il ne pouvait plus parler, il a pointé son index vers le ciel tandis que les gens récitaient la fatiha [la profession de foi musulmane, ndlr]. Bouazizi, c'était un fameux. Il avait toujours le mot pour rire. Toujours de bonne humeur. Pourtant, sa vie, c'était boulot-dodo. Parfois, il jouait aux cartes au café. Rarement, un verre de vin, c'est tout. Ici, les gens ne disent rien, ils emmagasinent, et puis ils éclatent un jour. Notre religion interdit de se tuer. Pour faire ce qu'il a fait, il fallait être bien désespéré.»

Vendredi 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, 26 ans, a déclenché sans le savoir ce qui allait devenir la «révolution de jasmin».

La famille Bouazizi vit dans le quartie