Il y a désormais deux Egypte. La première s’est péniblement réveillée hier, après treize jours de manifestations et de troubles, reprenant le chemin du travail et tentant de mener une vie normale. Dans cette Egypte-là, les fonctionnaires vont au travail, les policiers redescendent dans la rue après avoir disparu pendant huit jours, les banques rouvrent et le gouvernement rencontre les forces d’opposition pour discuter de l’avenir du pays. Et puis il y a la «république indépendante de la place Tahrir», où les manifestants continuent d’affluer pour réclamer sur tous les tons, avec humour et souvent en chanson, la démission du président Hosni Moubarak. Deux pays, deux dynamiques opposées et, entre les deux, une révolution encore trop vivace pour être enterrée, mais plus assez dynamique pour faire dérailler le pouvoir. Une révolution inachevée…
Klaxons. Pour prendre la mesure de cette schizophrénie, il suffit de remonter la rue Qasr al-Aïni, la grande artère qui relie le sud du Caire à la place Tahrir. Pendant une semaine, neuf échoppes sur dix étaient fermées, les distributeurs automatiques saccagés, les entrées de chaque rue gardées par des comités de citoyens armés de gourdins, de pelles et de pioches. Hier, tout était revenu : les policiers de la circulation en bérets noirs, les klaxons des automobilistes impatients et les fonctionnaires retournant au bureau en traînant la semelle. Seule «anomalie» : les transporteurs de fonds réapprovisionnant les banques se