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Libération
TRIBUNE

«Qui dit révolution ne dit pas d’emblée démocratie»

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publié le 7 février 2011 à 0h00

Une révolution surprend le monde, ceux d’en haut pris de panique, ceux d’en bas qui n’en reviennent pas de vaincre minute après minute leur peur, ceux de l’extérieur - experts, gouvernements, téléspectateurs, moi-même - culpabilisés de n’avoir pas prévu l’imprévisible. D’où le crêpage de chignon français qui agite Clochemerle : la droite a fauté, tambourine la gauche, qui oublie soigneusement d’expliquer pourquoi Ben Ali (et son parti unique) restait membre de l’Internationale socialiste, tout comme Moubarak (et son parti monocratique). Le premier fut radié le 18 janvier, trois jours après sa fuite. Le second le 31, sur les chapeaux de roue. Nul ne leva le lièvre. Pas la presse, négligente. Pas la droite, jumelée avec l’omnipotent Russie unie de Poutine, et qui cajole le Parti communiste chinois. Plutôt que d’interroger ce goût très partagé pour les autocrates, il sied d’incriminer en boucle le «silence des intellectuels».

Réfléchir ne consiste pas à sprinter pour rattraper et dépasser un événement qui vous coupe le souffle. Au-delà de l'admiration pour des foules qui surmontent l'angoisse, interrogeons la surprise qui prend les préventions au dépourvu. Premier préjugé : à la polarisation ancienne entre deux blocs succède le conflit entre «civilisations». Deuxième préjugé, alternatif : à la guerre froide succède la paix de l'économie rationnelle et la fin de l'histoire sanglante. Double bévue qu'illustrent les implosions de «l'exception arabe», elles déchirent brutalement la