Sur le rideau métallique contre lequel il a passé la nuit, allongé dans un sac de couchage, un seul mot, graffité à la bombe : Facebook. Il rigole. Avec sa barbe drue et grise, sa zebiba, le cal noirâtre marquant le front des hommes très pieux, Ahmed n’a pas le profil du jeune manifestant branché sur Internet. C’est un Frère musulman, section de Menoufeya, un gouvernorat du delta du Nil, d’où est originaire le président Moubarak. Six jours déjà qu’il campe là. Invisibles aux premières heures du soulèvement, les islamistes ont progressivement grossi les rangs des manifestants.
Les Frères musulmans ont amené leur nombre, mais aussi leur discipline et un sens poussé de l'organisation. La place Tahrir peut compter sur leur service d'ordre et leur capacité logistique à ravitailler les manifestants qui y campent la nuit. Cinq fois par jour, quand retentit l'adhan, l'appel à la prière, une partie de la foule se met en rang pour se prosterner dans la direction de La Mecque. Mais les prieurs sont loin de représenter la majorité des présents. Les autres continuent de déambuler, faisant juste un détour, par respect.
Peurs et fantasmes. Mouvement islamiste mais non violent, censé compter des millions de sympathisants dévoués, les Frères musulmans alimentent peurs et fantasmes. On craint que ces principaux rivaux du pouvoir depuis les années 50 profitent de la crise pour tenter de prendre le pouvoir. «Le régime veut faire croire que les islamistes mènent le je