La peur est sur Abidjan. Elle l’est depuis le second tour de la présidentielle, le 28 novembre, en particulier dans les quartiers populaires comme Abobo, où des heurts ont fait au moins six morts lundi. Raison de ces affrontements : des policiers ont tiré dans la foule depuis une voiture, provoquant une émeute dans ce fief des partisans d’Alassane Ouattara, déclaré élu par la Commission électorale indépendante mais qui vit depuis deux mois retranché avec son équipe dans l’hôtel du Golf.
La crainte est aussi sur l'avenue 1, à Treichville, quartier proche du port, où des commerçants sénégalais, d'habitude accueillants et loquaces, rechignent à parler. «Même au café, on ne parle plus de politique avec les Ivoiriens, explique l'un d'eux. Ils sont devenus trop violents.» Outre 900 000 Sénégalais, des millions de Burkinabés, Maliens, Nigérians, Guinéens, Nigériens, Ghanéens et Togolais vivent en Côte-d'Ivoire. Ils seraient entre 5 et 9 millions sur une population totale de 21 millions d'habitants.
A Treichville, la seconde génération a adopté la façon de vivre et de parler locales : «La politique là, a gâté les affaires», murmure un Sénégalais né en Côte-d'Ivoire. «La politique», comme on dit pour éviter de prendre parti, est devenue pourtant l'unique sujet de conversation. Les étrangers redoutent les représailles des pro-Gbagbo en cas de solution africaine défavorable à leur candidat. Les partisans du chef de l'Etat sortant accroché au pouvoir on