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grand angle

D’Afrique en Asie, la traite du foot

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Ils sont jeunes, africains, pauvres et fous de foot. Ils rêvent de devenir pros à l’étranger, et échouent en Asie dans des clubs de bourgade après avoir payé un pactole à un «passeur».
publié le 9 février 2011 à 0h00

Drogba dribble, adresse un centre qui trompe le gardien et se glisse sous la transversale. Le joueur est fidèle à sa réputation de meilleur buteur de l'équipe de Cap Skirring, village de la Casamance, région du sud du Sénégal. En vérité, Drogba s'appelle Aliou, il a 17 ans, il est élève en 3e et ce sont ses copains de classe, admiratifs, qui lui ont donné le nom de l'attaquant du Chelsea FC, capitaine de l'équipe de Côte-d'Ivoire. Aliou habite à deux minutes du terrain de cailloux et de sable où il réalise ses exploits. Tous les jours, il croise les toubabs (les «Blancs») du Club Med où son père a travaillé pendant des décennies. «Il est décédé en mars, et depuis, c'est difficile», dit Aliou. Il n'aura jamais les moyens d'aller au lycée, le Clud Med n'a pas enrichi sa famille de sept enfants mais il a forgé dans la fratrie le mirage européen. Alors, il rêve que ses pieds d'or l'amènent au-delà des mers où il deviendrait footballeur professionnel et gagnerait des mille et des cents. «S'il faut trouver de l'argent pour aller faire un essai en Europe, je me débrouillerais», dit Aliou. Le grand frère acquiesce.

2 000 euros nécessaires au «transfert»

Dans son infortune, Aliou a de la chance. Cap Skirring est trop paumé pour figurer sur la carte des «négriers du foot». Dénoncés dans un livre publié en mai par Maryse Ewanjé-Epée (1), il s’agit de ces agents véreux qui jouent aux «passeurs» de jeunes espoirs, profitant de la libéralisation de l’industrie du football, de la réussite d’