La guerre froide n'était pas la seule affaire de grandes puissances. Elle se livrait en direct chaque vendredi soir autour d'une table basse, sur l'un des plus célèbres plateaux télé français. D'Apostrophes en débats, Bernard Pivot orchestrait en effet la confrontation idéologique par dissidents de pays de l'est interposés. L'affrontement se révélait piquant car, à la place du combat gauche/droite attendu, il revenait à la gauche de se déchirer en plateau. D'un côté, les auteurs rescapés des régimes de l'est avec pour soutien les « nouveaux philosophes » Bernard Henri Levy et André Gluksman. De l'autre, les intellectuels d'une gauche longtemps victime de son aveuglement prosoviétique, refusant, comme Sartre ou certains hiérarques du PC, d'admettre les atrocités du régime totalitaire.
À l'ouest, on connaissait depuis les années soixante, grâce aux textes de Soljenitsyne et d'autres dissidents, la réalité du goulag et du système répressif à l'est. Il fallut pourtant attendre la parution de l'archipel du goulag, 1974, un énorme succès de librairie, pour que le mythe soviétique s'effondre à gauche. La pensée antitotalitaire s'étoffe alors et se diffuse largement, fortifiée par la découverte à la même période d'autres régimes communistes inhumains : Le Vietnam et le Cambodge que fuient les « boat people » par milliers, et la Chine de Mao.