Elle pleure, elle rit, Samar ne sait plus très bien. Tellement émue qu'elle en a oublié son niqab sur le canapé où elle était assise lorsque la télévision a annoncé le départ du président Moubarak. Tête nue, elle est descendue dans la rue, s'est mêlée au flot joyeux, bigarré, qui s'est engouffré dans les rues, direction Midan Tahrir, cette place de la Libération désormais si bien nommée. «Le plus beau jour de ma vie!» s'est elle écriée. Le Caire s'est transformé en mer de drapeaux noir- blanc-rouge flottant au vent. Partout, des chants, et une clameur incroyable sur la ville et ses 18 millions d'habitants. Une voiture passe, vitres baissées, dans les haut-parleurs une voix de femme, celle de Dalida, l'enfant du pays, chantant Helwa ya baladi, «que tu es beau mon pays».
Pantin. A l'approche de la place, les ponts sont saturés. Plus personne ne passe, la place est inaccessible. On se congratule, on s'embrasse. Toute l'Egypte, dans son incroyable diversité, tangue au rythme des tablas. «Tahya Masr !» Vive l'Egypte ! «L'armée et le peuple sont les doigts d'une même main.» Les chars sont toujours là, certains barrés de graffitis enjoignant le vieil autocrate égyptien d'aller faire un tour en enfer. Sur Facebook, Twitter, les armes de cette contestation menée par les cyberactivistes du Mouvement du 6-avril, les messages tombent, émouvants ou drôles. «Moubarak, fuck you very much !» poste Rania, 40 ans.
Place Tahr