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Libération
De notre envoyé spécial

Place Tahrir, une révolution de balais

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Deux jours après la chute de Moubarak, les habitants du Caire n’en finissent plus de nettoyer ce lieu symbole du mouvement égyptien. Comme une allégorie de la lutte contre la corruption de l’ancien régime.
Grand ménage ce week-end place Tahrir. (REUTERS)
publié le 14 février 2011 à 0h00

Deux armées. L’une, puissante, pesante, faite de chars lourds à l’arrêt le long de la chaussée, comme des bataillons de sphinx d’aciers, que, parfois, les manifestants interrogent mais qui ne répondent jamais, leurs longs canons demeurant pointés sur un triste horizon d’immeubles, avec dans les tourelles des soldats comme en léthargie, plus ou moins assoupis. L’autre est aux pieds de la première : elle est vibrionnante, souple, dynamique, colorée, armée de balais, de brosses et même de pinceaux. Un bataillon de fourmis, vives et déterminées. Et, sur la célèbre place Tahrir, comme dans nombre de rues du Caire et sur les berges du Nil, elle s’est donnée hier pour mission de rendre la ville propre. Car, la propreté, c’est la métaphore de la révolution égyptienne, une allégorie de la lutte contre la corruption systématique qui régnait sous Hosni Moubarak.

«Nous nettoyons les rues avant de nettoyer le régime», dit un étudiant en pharmacie, un sac de détritus à la main. Balayeuses et balayeurs, en solitaire ou par petits groupes, dessinent donc comme une avant-garde à cette révolution. Ils traquent le papier, le plastique mais aussi le moindre mégot. Ahmed, 34 ans, enseignant et père de deux enfants, n'est même pas rentré chez lui après le départ de Hosni Moubarak. Il a pris aussitôt un sac et un balai : «Regardez ma chemise comme elle est sale. Cela fait dix-huit jours que je la porte.» D'autres jeunes remettent en place les pavés arrachés lors des événements de