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grand angle

Les disparus du Baloutchistan

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Riche en ressources minières, cette province pakistanaise aux velléités séparatistes vit sous la coupe implacable de l’armée et des services secrets. Assassinats et enlèvements se succèdent, dans l’impunité la plus totale.
par Paul Menesson, Envoyé spécial à Quetta
publié le 21 février 2011 à 0h00

«Voici un cadeau de l'Aïd pour le peuple baloutche», ironisait la lettre glissée sur le cadavre du journaliste Lala Hamid, retrouvé près de la ville de Turbat, en novembre 2010, à l'époque de la grande fête musulmanecommémorant le sacrifice d'Abraham. Les jours suivants, sept autres corps criblés de balles, les mains liées dans le dos, étaient retrouvés dans diverses localités du Baloutchistan, la plus vaste des provinces du Pakistan, dans le sud-ouest du pays. Tous étaient des missing people, comme on les appelle ici, des disparus. Des hommes enlevés par les services secrets pakistanais.

«Ces six derniers mois, les corps d'une cinquantaine de disparus ont été retrouvés sur des terrains vagues, dans des fossés, parfois à moitié dévorés par les animaux sauvages. Ils portaient des marques de torture, certains avaient même des trous de perceuse dans le crâne. D'autres, aspergés de chaux, étaient quasiment méconnaissables, soupire Abdul Qadir Baloch, un vieil homme aux traits creusés, mais tout ça, je préfère ne pas y penser. A cause de mon fils Jalil.» Il désigne une photo sur le mur, le portrait d'un homme, la trentaine, moustache fière et regard droit. «Cela fait deux ans que je n'ai plus de nouvelles de lui.»

La nuit est tombée sur le faubourg de Quetta où vit Abdul, ancien employé de banque, et sa famille. Un quartier modeste aux maisons ceintes de murs de terre, le long d'un cimetière. Assis en tailleur contre des coussins grenat,