La caserne de Cyrène est devenue un cimetière d’automobiles et de chars. Une trentaine de véhicules ont brûlé, comme les bâtiments du camp militaire qui abritaient les forces spéciales du régime. Le sol huileux est tapissé de douilles. On voit une voiture encastrée sous l’un des vingt blindés. Remplie de pétrole, elle s’est précipitée sur le tank pour le faire sauter, composant un amas de ferraille où l’on a du mal à distinguer ce qui revient au blindé ou à la voiture. La bataille, visiblement, a été rude.
Elle a commencé le 16 février et a d'abord opposé les forces d'élite de Kadhafi à la population. Puis, une autre unité de l'armée, régulière celle-là, s'est mutinée et a rejoint les civils, bousculant le sort des armes. Le commandant Idriss (il ne veut pas donner son nom complet), un petit homme d'apparence un peu falot, raconte qu'il a reçu l'ordre de son quartier général d'ouvrir le feu sur la foule mais qu'il a désobéi. «J'ai réuni mes officiers et je leur ai demandé de ne pas tirer et de rejoindre les manifestants», précise l'officier, qui commande à présent tout l'est du pays, jusqu'à proximité de Benghazi. Il raconte ensuite que, via le haut-parleur de la mosquée voisine, une tentative de médiation entre l'armée et les forces spéciales a été entreprise. «Mais le colonel Akhid Moustapha Arteima, qui tentait une conciliation, a été tué par un mourtazaqa [littéralement les «enregistrés», surnom donné aux forces irrégulières à la solde du régime, ndlr].