Le grand souk du jeudi a repris ses activités à Sejenane, une petite ville située à 100 kilomètres de Tunis. Dès l'aube, les marchands installent leurs échoppes de chaussettes et de casseroles en plein centre. Les agriculteurs ont apporté des noix, des tomates, des épices. Les «louages», ces minibus qui font la navette avec Tunis, doivent slalomer pour déposer les voyageurs. Dans le café qui surplombe la place centrale, Mohammed et ses amis sont ravis de voir que la vie a repris. «A cause de la révolution, plus personne ne venait», lâchent-ils. Ils s'ennuient tellement. Désœuvrés, ils passent leurs journées au café. Tous sont des «diplômés chômeurs», une catégorie qui explose en Tunisie. Après leurs études supérieures, ils n'ont jamais pu trouver un emploi correspondant à leurs qualifications. Alors, pour survivre, ils se font ouvriers, vendeurs à la sauvette, chauffeurs de taxi, au mieux surveillants ou remplaçants dans une école.
Impossible de connaître leur nombre exact à Sejenane. Avec la révolution, les autorités locales, compromises avec la dictature, ont déserté. Et, pour l’heure, personne ne les a remplacées. Au niveau national, on estime les diplômés chômeurs à 150 000 sur une population de 10 millions d’habitants. Les syndicats parlent du double - au moins. Chaque année, leur nombre croît avec le flot des nouveaux qui arrivent sur le marché du travail. Officiellement, le taux de chômage des jeunes - diplômés ou non - atteint 30 % contre une moyenne