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Libération
EDITORIAL

Spectre

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publié le 5 mars 2011 à 0h00

Dans ce pays qui croît avoir inventé l'idée même de révolution, c'est une fâcheuse impression que donne la France : ses dirigeants semblent plus à l'aise avec le statu quo qu'avec l'histoire en marche. Ils agitent davantage les menaces inéluctables des périodes de transition qu'ils ne s'activent pour l'émancipation des peuples. En 1989, avec la chute du communisme en Europe de l'Est, comme en 2011, avec les soulèvements arabes. Comme si, au fond, les révolutions n'étaient jamais aussi belles que dans les livres d'histoire. Quand, au Caire, Hosni Moubarak vacillait, Nicolas Sarkozy ne parlait que du péril «islamiste». Dix jours plus tard, après un hommage bien minimal aux «peuples arabes qui prennent en mains leur destin», le président de la République s'exprimait comme un ministre de l'Intérieur : il agitait d'un même élan le spectre «de flux migratoires incontrôlables» et celui du «terrorisme». Vendredi, il dépêchait sur le front franco-italien Claude Guéant, chargé d'inspecter le verrouillage des frontières. On l'aura compris, à l'approche de la présidentielle et face aux grandes peurs supposées d'un monde nouveau, NIcolas Sarkozy entend se présenter comme le meilleur «protecteur». Cette stratégie du garde-barrière n'est pas à la hauteur des enjeux. L'intérêt bien compris de la France, c'est d'abord d'éviter une crise humanitaire aux pays du Sud, c'est ensuite de favoriser leur développement économique, et c'est enfin de soutenir et de