Menu
Libération
Analyse

Des images trop vraies pour être réelles

Article réservé aux abonnés
Omniprésentes depuis vendredi, les vidéos de la catastrophe, répétées à l’infini, rendent presque fictionnelles la dimension humaine du drame.
publié le 15 mars 2011 à 0h00

Au pays de Nikon et Sony, les images sont naturellement «tombées» en pagaille et en direct du tremblement de terre puis, quelques minutes plus tard, du raz-de-marée. Et le monde entier des regardeurs tant sur le Net qu'à la télé, passa alors par tous les états de la sidération : médusé, incrédule, terrifié, fasciné, fatigué et vite blasé. Comme si ces images estampillées «vrai de vrai», se retrouvaient aussi vite périmées que diffusées. Cela tient pour beaucoup au principe de ressassement consubstantiel à la survie des chaînes d'info en continu, qui, par crainte que le fil ne se rompe - la terreur du temps mort -, le noue et le renoue par tous les bouts. Combien de fois en une heure le tarmac submergé d'un aéroport ? Une répétition du même qui emporte avec elle une escalade dans le désir de sensations «fortes» : et pourquoi pas des cadavres jaillissant en 3D dans le salon ? Ou un reporter balayé en direct live ? Cette avidité, moralement coupable, est une banalité du temps. Le trop humain sentiment de contentement à scruter le malheur des uns.

Immortaliser. Mais cette accoutumance relève aussi d'une contamination entre le réel et sa fiction. «Est-ce que c'est un rêve ? J'ai l'impression d'être dans un film ou quelque chose comme ça», témoignait un rescapé. En effet ces images inédites, on les a déjà vues. Cadrées du haut du ciel (hélico ou toit d'un immeuble), elles évoquent du Yann Arthus-Bertrand en négatif qui célébrerait la désolation du