La peur, au Japon, ne s'exprime pas, elle se vit sans clameur ni plainte. Prenez Yoshiro Yamane, un ingénieur civil de 65 ans. Il fume paisiblement une cigarette dans une rue de Shinjuku, un quartier du centre de Tokyo, devant un magasin de la chaîne FamilyMart. Il vient de sortir de la boutique, sans le pain de mie ni l'eau minérale qu'il était venu acheter. Les nouilles instantanées, les bougies, les batteries et les torches électriques sont également devenues introuvables. «Tout est parti, car les gens font des provisions. Les camions de livraison ne sont pas passés à cause de la pénurie d'essence», constate-il, sans le moindre agacement dans la voix, en désignant au loin une station-service où des dizaines de véhicules font la queue dans la discipline. «J'ai l'air stoïque, mais je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie, et j'ai 65 ans. J'en ai connu des tremblements de terre, mais celui-là est le premier qui m'a fait sortir de chez moi au moment de la secousse. J'ai cru que la terre allait s'ouvrir sous mes pieds.»
Le risque nucléaire n'est-il pas plus porteur de danger ? A-t-il entendu parler du nuage radioactif «sans danger pour la santé» qui se dirige sur Tokyo selon la chaîne NHK ? «Je n'ai aucune confiance dans les annonces du gouvernement, assène l'ingénieur. Le rayon de l'opération d'évacuation autour de la centrale nucléaire de Fukushima est passé en quelques jours de 5 à 10 km, puis 20, puis 30 km. Pour moi, ça veut dire que l