Figés devant l'écran. Nous sommes des millions ainsi, hébétés depuis presque une semaine. Pour la millième fois la vague marron recouvre tout, et pour la millième fois, les voitures tourbillonnent, le bateau s'écrase contre le pont. Pour la millième fois, depuis le 11 Mars - three-eleven -, la ferraille envahit l'écran, comme dans Dodeskaden, le film de Kurosawa. La moitié des habitants de Minami Sanriku, Miyagi, Iwate, ont disparu, avalés par l'océan. Les mêmes images, inlassablement. Très peu d'images, en vérité, toujours les mêmes. Comme il y a onze ans, quand s'écroulèrent les Twin Towers. C'est cela la catastrophe, quelque chose que l'on n'assimile pas. On ne saisit pas ce que l'on ressent. De la stupeur. D'heure en heure, et sur toutes les chaînes : la vague. Son effet s'atténue. Mais pas les clichés : ces Japonais sont tellement magnifiques, de rigueur, de stoïcisme. Toute une culture. Un commentateur : «Ils ont une autre relation que nous à la nature, ils l'acceptent, et se sentent ses hôtes.» Ils l'acceptent. Ils sont différents. Chez eux il est mal vu de parler de soi (pas chez nous, n'en doutons pas). Ils sont isolés, aussi, et depuis le début nous ne savons presque rien. Nous bavardons pour boucher les trous d'ignorance, la rumeur fait le reste. Ces Japonais, tellement martyrisés (pas nous). Comme nous les plaignons (de loin) et nos cœurs en sortent bonifiés.
Crête. L'événement comporte toujours une part fascinante, samplée, dém