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Libération

Sur la rétine, la catastrophe

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par Ryoko Sekiguchi, Poétesse Dernier livre paru: «Etudes vapeurs» (le Bleu du ciel, 2008).
publié le 17 mars 2011 à 0h00

Vendredi, le soir du tremblement de terre, nous nous sommes rassemblés chez moi avec six amis japonais, pour ne pas rester chacun dans son coin à envisager le pire. Nous étions collés au site de la NHK, et je me sentais envahie par cette étrange sensation : je connais déjà cela. Cette fois, bien sûr, le séisme fut d’une intensité sans précédent. Toute catastrophe est sans précédent, du moment qu’on la vit. Mais tous les Japonais ont vécu des catastrophes, régulièrement.

Et on en a connu, des nuits passées devant la télévision, à suivre, le cœur serré, des catastrophes de tous ordres, tsunamis ravageant les villes, avalanches engloutissant les villages, typhons emportant tout sur leur passage, volcans déversant leur flot de lave, pluies de cendres volcaniques et gaz asphyxiant, routes coupées, villes en flammes.

Je me souviens, mon frère et moi étions restés jusqu’à trois ou quatre heures du matin à regarder la ville de Kobé en flammes, fumant comme après un bombardement. Je me souviens, j’étais collégienne, quand un quartier de l’île de Miyake fut détruit par la lave à 70 %. Je me souviens aussi d’un tremblement de terre dans la région même qui vient d’être touchée cette fois-ci. Les images de cette région sinistrée, nous les avons déjà vues, plusieurs fois, par le passé. Et je ne me souviens plus de tous les tremblements de terre tant il y en a eu. Mais ce qui est certain, c’est qu’à chaque nouvelle catastrophe, l’image des catastrophes précédentes vient se superposer. Et tou