Une grosse bulle de silence qui enfle, enfle. Au moment du vote du Conseil de sécurité, jeudi soir tard, toute la ville de Tobrouk a retenu son souffle. Puis à l’annonce du résultat (10 pour, 5 abstentions), la bulle a explosé de joie.
Un crépitement, une pétarade, une jubilation ininterrompue. Cris, chants, prières, feux d’artifice, des balles traçantes qui déchirent le ciel, tirs à l’arme lourde et légère. Tout ce qui pouvait faire du bruit a été utilisé. Jusque tard dans la nuit, la ville portuaire a célébré l’adoption de la résolution 1973.
Rafale. «Je pourrais écrire un livre sur tout ce qui m'est passé par la tête la nuit dernière», sourit Manam Wafi, professeur en biodiversité à l'université de Tobrouk. Il a encore des poches sous les yeux. «Toute la journée de jeudi, j'ai zappé d'une chaîne à l'autre sur ma télévision, je n'en pouvais plus. Pour vous, ce n'est peut-être qu'un texte, mais il change notre vie. Mon fils de 12 ans me demandait : "papa, on va retourner sous Kadhafi ou on va rester avec la liberté ?"Cette décision vient tard, nous avons déjà eu des milliers de morts et de blessés. Mais c'est mieux que rien : sans tanks, ni avions, ni bateaux, Muammar al-Kadhafi est impuissant.»
A deux pas, un jeune en treillis tire une nouvelle rafale comme on boit un lendemain de cuite, pour soigner la gueule de bois. «Gardez vos balles pour Kadhafi, ce n'est pas fini», murmur