Rony Brauman est ancien président de Médecins sans frontières. Professeur associé à Sciences-Po, il réfléchit depuis des années aux effets des interventions humanitaires.
Une partie des opposants à l’intervention américaine en Irak soutiennent cette fois la résolution du Conseil de sécurité sur la Libye. Pas vous. Pourquoi ?
Parce que je ne crois pas plus qu’avant aux vertus de bombardements aériens pour installer la démocratie ou «pacifier» un pays. La Somalie, l’Afghanistan, l’Irak, la Côte-d’Ivoire sont là pour nous rappeler aux dures réalités de la guerre et de son imprévisibilité. «Protéger les populations» signifie, en pratique, chasser Kadhafi et le remplacer par un Karzaï local si l’on va au bout de la logique, ou diviser le pays en gelant la situation. Dans les deux cas, nous ne serons pas capables d’en assumer les conséquences. A quel moment cette guerre sera-t-elle considérée comme gagnée ?
Faut-il assister en spectateur à l’écrasement de la rébellion libyenne par les troupes de Muammar al-Kadhafi ?
Non. Entre la guerre et le statu quo, il y a un espace d'actions : la reconnaissance du Conseil national de transition [l'instance politique des insurgés, ndlr] par la France était un geste politique important, qu'il faut poursuivre en soutenant militairement l'insurrection : lui fournir des armements et des conseils militaires pour rééquilibrer le rapport des forces sur le terrain, ainsi que des informations sur les mouvements et préparatifs des troupes adverses. L'embargo commercial, l'embargo sur les armes et le gel des avoirs du clan Kadhafi sont autant de moyens de pression auxquels le régime de Tripoli ne peut être indifférent.
Ne risque-t-on pas de laisser faire une tragédie ?
Prenez le Rwanda, souvent invoqué comme un exemple de ce qu’il ne fallait p