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Libération
Éditorial

Made in Japan

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publié le 26 mars 2011 à 0h00

«Plus encore que les autres peuples de la terre, les Japonais faisaient les choses parce que cela se faisait.» C'est l'une des réflexions d'Amélie Nothomb, dans un délicieux roman, Ni d'Eve ni d'Adam, où elle s'amuse à décrire les codes nippons avec la pointe d'ironie qu'on lui connaît. Depuis le séisme meurtrier et le fléau nucléaire qui menace toujours l'île, l'écrivaine belge n'est plus la seule à tenter de comprendre ses habitants. Le sang-froid spectaculaire qu'ils opposent aux plus cruelles épreuves a de quoi impressionner. Nothomb, encore elle, a vu chez eux «une patience sublime»et «un respect mutuel admirable». Des qualités que tout le monde a pu constater dans les reportages réalisés dans l'île dévastée. Fini le butô, le yakusa, le sumo et autres clichés du Soleil levant. A chacun désormais le soin de sonder l'âme nippone, quitte à tomber dans les généralités, là où l'usage impose la prudence. La vulgate du moment pare les Japonais de vertus nées d'ancestrales traditions, soudain élevées au rang de modèle de l'humanité. Il y a toujours quelque chose de gênant devant ces soudaines unanimités, même s'il serait offensant de nier à ce peuple une aptitude naturelle à la solidarité dans des situations de catastrophes majeures. Voilà les règles anthropologiques battues en brèche : la norme veut qu'on préfère observer l'individu plus que le groupe. Et si, au Japon, l'individu justement s'effaçait dans le groupe ? Pour le meilleur et hélas aussi pour le pire… <