Ses prénoms racontent son parcours tourmenté. Jusqu’à l’âge de 4 ans, il s’est appelé Manassé. Arrivé en France, il est devenu Christophe. Pour sa carrière artistique, il a choisi Tinan, son surnom haïtien qu’il a découvert en 2002 en retournant pour la première fois dans son pays natal. Agé de 31 ans, ce danseur et chorégraphe fait partie des 7 000 enfants haïtiens adoptés par des familles françaises en trente ans. Depuis une dizaine d’années, l’île des Caraïbes est devenue la destination privilégiée des parents français, lesquels représentent plus du tiers des adoptants.
Tinan se souvient mal de ses premières années. Tout juste se rappelle-t-il d'un matin pluvieux de 1984 où, à sa descente d'avion en provenance d'Haïti, une femme blanche en pleurs s'est jetée à ses pieds et l'a enlacé. Premier contact effrayé avec sa mère adoptive. Elevé en Ile-de-France, Christophe oublie son créole maternel sans cesser de s'interroger sur son pays d'origine. Vers 20 ans, il consulte son dossier. On peut y lire que ses parents biologiques, incapables de subvenir à ses besoins, l'ont abandonné. Grâce à Internet et à pas mal de chance, il retrouve la trace de sa famille et se rend en Haïti à l'été 2002. Malgré la joie des retrouvailles, raconte-t-il, «ça n'a pas vraiment été une libération, c'était très remuant émotionnellement». Surtout lorsqu'il apprend que sa mère biologique n'a jamais consenti à une adoption. En situation de grande pauvreté, elle l'avait placé dans une crèche où