Vous admettez, me dit un jour mon ami le philosophe des rues, qu’aujourd’hui le principe de toutes choses, qui n’est plus discuté par aucun des puissants de ce monde, est le profit ?
- J’admets, répliquais-je. Mais où voulez-vous en venir ?
- Quelqu'un qui dit ouvertement «je n'existe que pour mon profit personnel, et je liquiderai mon ami de la veille s'il s'agit de garder ou augmenter mon train de vie.» C'est… ? C'est… ? Allons, un effort…
- Un bandit. C’est une subjectivité de bandit.
- Excellent ! s’exclame le philosophe des rues. Oui, notre monde est ouvertement un monde de bandits. Il y a les bandits clandestins et les bandits officiels, mais ce n’est qu’une nuance.
- Convenons-en. Mais que tirez-vous de cette remarque ?
- Que nous avons le droit de parler de tout ce qui se passe en nous servant d’images tirées du banditisme, dit le philosophe des rues d’un air rusé. Les parrains, les lieutenants, les petits caïds, les tueurs…
- Je voudrais bien voir ça ! dis-je, très sceptique.
- Voyez ce qui se passe en ce moment : dans de nombreux territoires, les gens se rassemblent en masse, pacifiquement, pour dire jour et nuit la vérité, à savoir que ceux qui depuis des décennies les commandent ne sont que des bandits. Le problème, c’est que ces caïds locaux dont les gens rassemblés exigent le départ ont été installés, payés, armés, par les plus puissants des parrains, par les bandits supérieurs, les bandits raffinés : l’Etasunien et ses lieutenants, les Européens. Les territoi