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Libération
TRIBUNE

Lettre à un ami japonais (II)* : après-midi de tempête

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par Nadine Ribault, Ecrivaine et Thierry Ribault, Chercheur au CNRS (Maison franco-japonaise de Tokyo)
publié le 4 avril 2011 à 0h00

Cher Wataru, arrivés du Japon en France, après le tremblement de terre du 11 mars, nous sommes restés en contact avec toi. Tu vivais dans notre lieu de vie puis, soudain, un matin, après des nuits d'insomnie, tu nous as écrit : «Si je n'y vais pas, je me sentirai coupable pour le restant de ma vie. Le gouvernement ne fait pas ce qu'il doit faire, nous allons donc le faire» et tu es parti pour la zone interdite, celle qui autour de Fukushima sent le danger et garde les traces de l'horreur la plus radicale, celle où beaucoup, choqués par le tremblement de terre, sont restés, désinformés, trop seuls ou trop démunis pour évacuer. Le départ est une manifestation de l'individualisme radical, celui qui s'oppose à l'Etat, non par la révolte, mais par la rupture.

21 mars. Après que les hommes des municipalités de Sôma et de Minamisôma t'ont informé qu'ils ne peuvent pas accepter de volontaires de l'extérieur de la préfecture de Fukushima et précisé qu'ils ne pouvaient prendre la décision d'évacuer les résidents sans ordre gouvernemental, tu as, cher Wataru, décidé de rejoindre un réseau nouvellement créé : «Les travailleurs de la paix du Yatsugatake». Trois d'entre vous sont partis en éclaireurs à Ishimaki dans la préfecture de Miyagi, qui a été terriblement touchée par le tremblement de terre et le tsunami. Là, ils ont vu vols, détournements d'essence, de voitures, ventes en fraude de bouteilles d'eau à plus de 5 000 yens. Avec une poignée d'autres volontair