A l’entrée du somptueux théâtre romain de Bosra, une affiche représentant le président Bachar al-Assad saluant les visiteurs a été vandalisée : des mains furieuses en ont arraché la tête et personne n’a apparemment jugé bon de remplacer l’image. Nous sommes dans la province du Hauran, à une centaine de kilomètres au sud de Damas, à une encablure de la frontière jordanienne. Ici le ton n’est plus au fatalisme soumis face au régime. C’est de cette région agricole défavorisée qu’est partie la contestation contre le pouvoir et que les morts dans les manifestations continuent de se compter par dizaines.
Dissimulé derrière une colonne du cardo de la ville antique, Nabil (1) montre discrètement sur son téléphone portable les images que toute la région s’échange sous le manteau, celles des sanglants rassemblements de Deraa, à une quarantaine de kilomètres de là. On y voit des manifestants à terre se vidant de leur sang, d’autres battus sauvagement par des hommes armés de gourdins qui s’acharnent sur eux sans relâche, et une voiture blanche parcourant la ville d’où des hommes tirent sans discrimination sur les groupes de protestataires. Sur toutes les petites vidéos amateurs, du sang et de la brutalité jusqu’à l’écœurement.
Lourd silence. Nabil pointe du doigt un graffiti peint en rouge sur une des vieilles pierres qui nous entourent. Il traduit : «Bachar est un âne et le chien de l'Iran.» C'est un graf similaire qui a servi de détonateur à la contestation à D