Les masques sont à la contamination radioactive ce qu'étaient les digues au tsunami. De la protection de papier. Devant des étagères de médicaments, Yukiko Eguchi le sait bien. Cela ne l'empêche pas de s'épancher ; besoin de parler derrière son masque blanc. Elle est pharmacienne, gérante du Hashi Drug. Une petite femme, digne, mais vacillante. Elle transpire : émotion à fleur de peau, regard effrayé. Elle raconte son quotidien qui a basculé depuis un mois. Les répliques à répétition, «la ruée vers les masques». Son magasin sert d'exutoire. On la presse de questions, dont elle n'a pas les réponses. «Je fais comme tout le monde, résume-t-elle. J'écoute les messages à la télé ou la radio.» Donc : «Protégez au maximum votre peau de l'air» ; «Portez un masque» ; «Protégez vos cheveux» ; «Lavez vos vêtements en rentrant.» Yukiko, 39 ans, parle aussi de ses filles, qu'elle élève seule. «Je suis morte d'inquiétude. Même à l'école, elles doivent rester confinées dans les classes. Interdiction de jouer dans la cour. Que vont-elles devenir ?»
Océan de doutes
La ville de Fukushima se dresse à 58 kilomètres des réacteurs de la centrale de Fukushima Daichi. «L'île du bonheur», en japonais, baigne dans un océan de doutes. Dans la capitale de la province de Fukushima, 290 000 habitants en temps normal - la moitié, grand maximum, ces jours-ci - les niveaux de radioactivité sont plus «significatifs» qu'à Iwaki, par exemple (Libératio